Responsabilité pénale d’une personne morale pour la faute commise par un salarié disposant d’une délégation de fait.
Le défaut de sécurisation du chantier étant imputable au directeur de l’agence locale, investi d’une délégation de fait, la responsabilité de la société est engagée
Un jeune enfant de huit ans a été blessé alors que, ayant eu accès à un chantier, il jouait sur un empilement de tuyaux. Cet empilement étant devenu instable, l’un des tuyaux lui a roulé sur une partie du corps, lui écrasant plus particulièrement une jambe. Deux sociétés, l’une, chargée de la réalisation des travaux et, l’autre, du contrôle et la sécurité des installations de chantier, ont été poursuivies pour blessures involontaires ayant entraîné une incapacité supérieure à trois mois. A la première, société de travaux publics, il était reproché de ne pas avoir pris les mesures qui auraient permis d’assurer la sécurité du chantier, notamment en interdisant son accès par un barriérage, alors même qu’il se situait à proximité d’immeubles. La seconde, en lien avec la mission qui était la sienne, était mise en cause pour ne pas avoir procédé à une inspection commune et obligatoire et contrôlé la sécurisation du chantier. Le tribunal correctionnel a relaxé les deux sociétés mais pour un motif différent.
S’agissant de la seconde société, les juges estiment qu’elle, en la personne de ses représentant ou organes, n’a commis aucune faute en relation de causalité avec l’accident. Elle a rempli ses obligations, en élaborant un plan général de coordination qui a lui-même permis d’établir un plan particulier de sécurité et de protection de la santé conforme à ce PGC. Cette absence de faute a été confirmée en appel.
Dans le cas de la première société, l’existence d’une faute, tenant à une absence de sécurisation du chantier, n’était pas contestée, mais comme les juges n’avaient pas pu identifier son auteur, on ne pouvait être certain que ce soit un organe ou un représentant, condition indispensable à la mise en oeuvre de la responsabilité d’une personne morale.
Mais, ici, la cour d’appel a infirmé le jugement, estimant que la faute pouvait être imputée à une personne ayant qualité pour engager la responsabilité pénale de la société, à savoir le directeur de l’agence locale de la société. Certes, comme le reconnaissent les juges, il ne disposait pas d’une délégation de pouvoirs écrite – ce qui d’ailleurs constituait le principal argument du pourvoi de la société – mais il avait la compétence et l’autorité nécessaire pour agir en qualité de représentant de son employeur. D’autres éléments allaient dans le même sens : c’est lui qui avait signé l’acte d’engagement de l’important marché de travaux au cours desquels l’accident s’était produit, de même que, lors de sa première audition, il avait admis que la mise en place et la sécurisation du chantier relevaient de sa compétence.
C’est pourquoi la chambre criminelle conclut qu’il était investi d’une délégation de fait et que, le défaut de sécurisation du chantier lui étant imputable, la responsabilité de la société pouvait bien être engagée pour une faute commise par un de ses représentants.
Source : Editions Législatives