Urgence sanitaire : quelles visites médicales peuvent être reportées ?
Le décret venant préciser l’ordonnance qui organise les missions des services de santé au travail durant l’épidémie de covid-19 est paru le 9 avril. Il indique quelles visites du suivi médical des travailleurs peuvent être ajournées et lesquelles doivent obligatoirement être honorées. Attention, le médecin du travail est le seul à pouvoir acter le report. Visite par visite, nous faisons le point.
Durant cette période de crise sanitaire, les visites médicales peuvent être en partie reportées, afin d’éviter des déplacements et de soulager les services de santé au travail à qui il a été demandé de se mobiliser face à l’épidémie de covid-19 selon les exigences de l’ordonnance du 1er avril 2020, qui découle de la loi d’urgence sanitaire. Quelles visites doivent être ajournées, lesquelles doivent être maintenues, comment le médecin du travail doit-il décider, quels sont les délais de report possibles ? Le décret n°2020-410 du 8 avril 2020, paru ce jeudi au Journal officiel, vient préciser tout ceci.
Cela concerne toutes les visites et examens médicaux prévus avec le service de santé au travail entre le 12 mars et le 31 août 2020. Attention, il n’appartient pas à l’employeur ou au salarié d’estimer qu’une visite prévue ou qui doit avoir lieu bientôt peut être reportée : la décision revient dans tous les cas au médecin, qui doit en informer l’employeur et le salarié (s’il a ses coordonnées). Sans la décision notifiée du médecin du travail, la visite n’est pas reportée, l’échéance court.
Pour prendre sa décision, le médecin du travail doit se fonder sur les informations dont il dispose – qui peuvent provenir « d’échanges réalisés par tout moyen entre le travailleur et un membre de l’équipe pluridisciplinaire » – sur l’état de santé du travailleur, les risques liés au poste sur lequel il est affecté, et de façon plus générale sur ses conditions de travail.
Pour les travailleurs en CDD, le médecin tient aussi compte des visites et examens qui ont eu lieu dans les 12 derniers mois. Il peut en effet être dommageable de reporter la visite de celui qui – même sans spécialement être sur un poste à risque – n’a pas été vu depuis plusieurs années, et pour qui la visite ne pourra pas être facilement reprogrammée parce que le CDD se termine cet été, par exemple. Au contraire, il n’est pas forcément nécessaire de revoir pendant cette période celui qui enchaîne les CDD avec des employeurs rigoureux sur les demandes de suivi médical, et est donc vu très régulièrement.
Obligatoire, la VIP, visite d’information et de prévention, remplace depuis le 1er janvier 2017 la visite médicale d’embauche. Elle est menée par le médecin du travail ou par un professionnel du service de santé au travail (collaborateur médecin, interne en médecine du travail, infirmier).
Elle doit avoir lieu dans les 3 mois à compter de la prise effective du poste, ou dans les deux mois pour les apprentis. Et avant l’affectation au poste de travail pour les travailleurs de nuit, les travailleurs de moins de 18 ans non affectés à des travaux réglementés, les salariés exposés aux agents biologiques du groupe 2 ou à des champs électromagnétiques lorsque les limites d’exposition sont dépassées.
Toute VIP doit continuer à être assurée par les services de santé au travail pour :
- les travailleurs handicapés,
- ceux âgés de moins de dix-huit ans,
- ceux qui déclarent être titulaires d’une pension d’invalidité,
- les femmes enceintes, qui viennent d’accoucher ou qui allaitent,
- les travailleurs de nuit,
- les travailleurs exposés à des champs électromagnétiques et affectés à des postes pour lesquels les VLEP sont dépassées (selon l’article R.4453-3, c’est-à-dire l’article 3 du décret du 3 août 2016).
Elle doit aussi être maintenue si le médecin du travail « estime indispensable de respecter l’échéance ».
Elle peut être reportée et reprogrammée d’ici le 31 décembre 2020 pour tous les autres travailleurs.
Lorsque la visite est reportée, le médecin doit en informer le salarié et l’employeur. Il doit alors leur communiquer la date à laquelle elle est reprogrammée. S’il n’a pas les coordonnées du salarié, il « invite l’employeur » à faire passer le message.
Pour assurer le suivi médical des travailleurs, une VIP (avec le médecin du travail ou le collaborateur médecin, l’interne en médecine du travail, l’infirmier) doit avoir lieu au moins tous les 5 ans.
Le médecin du travail a la main sur la périodicité, qu’il fixe lors de la visite initiale.
Nombre de travailleurs doivent bénéficier d’un suivi dit « adapté », avec des VIP au moins tous les 3 ans : les travailleurs handicapés, les travailleurs titulaires d’une pension d’invalidité, les travailleurs de nuit et tout travailleur dont l’état de santé, l’âge, les conditions de travail ou les risques professionnels auxquels il est exposé le nécessitent.
La visite médicale d’aptitude avant l’embauche est réservée aux travailleurs affectés à un poste présentant des risques particuliers. La loi fixe plusieurs cas : il s’agit notamment des postes avec un risque de chute de hauteur lors du montage/démontage d’échafaudages, ou avec une exposition à l’amiante, au plomb, à des agents CMR (cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques).
Cela concerne aussi l’exposition à des agents biologiques des groupes 3 et 4. Le Sars-CoV-2 n’est pas encore classé d’un point de vue réglementaire, mais dans son avis du 26 mars, l’Anses estime qu’« au regard des connaissances actuelles et par analogie au SRAS-CoV, ce coronavirus pourrait être considéré comme un agent pathogène de groupe 3 ou supérieur ».
Les jeunes de moins de 18 ans affectés à des travaux dangereux, les travailleurs conduisant des engins nécessitant un Caces (certificat d’aptitude à la conduite en sécurité) ou encore ceux avec une habilitation électrique, doivent aussi être en SIR.
Le SIR peut aussi être décidé par le médecin du travail, ou par l’employeur qui liste les postes à risques.
En SIR, un examen médical d’aptitude qui se substitue à la VIP. Il est effectué par le médecin du travail préalablement à l’affectation sur le poste.
La périodicité des visites médicales dans le cadre du suivi médical renforcé est déterminée par le médecin du travail, sans pouvoir excéder 4 ans.
Doivent également être effectuées des visites intermédiaires réalisées par le collaborateur médecin, l’interne en médecine du travail ou l’infirmier, au plus tard 2 ans après la visite avec le médecin du travail.
Elle doit être maintenue si le médecin du travail »estime indispensable de respecter l’échéance ».
Elle doit aussi être maintenue pour les travailleurs exposés à des rayonnements ionisants de catégorie A, qui ont un examen périodique d’aptitude tous les ans.
Dans tous les autres cas.
Lorsque la visite est reportée, le médecin doit en informer le salarié et l’employeur. Il doit alors leur communiquer la date à laquelle elle est reprogrammée – d’ici le 31 décembre. S’il n’a pas les coordonnées du salarié, il « invite l’employeur » à faire passer le message.
Lorsqu’il décide de reporter une visite de pré-reprise qui lui a été demandée, le médecin du travail doit faire part de sa décision à la personne qui a sollicité le rendez-vous.
Selon le code du travail, la visite de reprise est obligatoire après un congé maternité, une absence pour maladie professionnelle ou une absence de plus de 30 jours pour accident du travail, maladie ou accident non professionnel.
Elle doit être organisée le jour de la reprise effective du travail ou au plus tard dans les 8 jours, afin de vérifier que le poste de travail est compatible avec l’état de santé du salarié.
Pour les travailleurs handicapés ; ceux âgés de moins de dix-huit ans ; ceux qui déclarent être titulaires d’une pension d’invalidité ; les femmes enceintes, qui viennent d’accoucher ou qui allaitent, les travailleurs de nuit. Dans tous ces cas, attention, la visite doit bien avoir lieu avant la reprise effective du travail.
Elle doit aussi avoir lieu à chaque fois que le médecin du travail « estime indispensable de respecter l’échéance ».
Pour tous les autres travailleurs, les visites de reprise prévues entre le 12 mars et le 31 août peuvent être ajournées. Le décret fixe une limite de 3 mois : une visite prévue le 15 avril doit avoir lieu d’ici le 15 juillet. Une visite prévue le 31 août devra avoir lieu au plus tard le 30 novembre.
Attention, pour ceux en SIR (suivi individuel renforcé), la visite de reprise ne peut être reportée que d’un mois. Ainsi, une visite qui était prévue le 15 mars et n’a pas eu lieu, doit avoir lieu au plus tard le 15 avril, selon le décret.
Le fait que la visite de reprise soit reportée n’empêche pas le salarié de reprendre son poste, même pour les SIR.
Lorsque la visite est reportée, le médecin doit en informer le salarié et l’employeur. Il doit alors leur communiquer la date à laquelle elle est reprogrammée. S’il n’a pas les coordonnées du salarié, il « invite l’employeur » à faire passer le message.
Source : Éditions Législatives